Georges Rinaudo, rêveur au long cours
Où courent ces chemins de fil qui zèbrent le paysage ? Leurs tracés sinueux cousent l’horizon d’un entrelacs de pistes, et l’habillent du relief de leurs cailloux soyeux. Des parois de fibres rêches, des dunes à la robe fauve invitent à une déambulation sur une terre aride, craquelée et moelleuse à la fois. Figurant ici un dédale de pierre et là, un tapis de sable absorbant bruits et regards, une géologie sensuelle se déplie sous l’œil charmé. L’artiste a bâti un univers riche, ourlé des sensations colorées et des bouffées de lumière d’un matin naissant, un désert dépouillé et attirant, mouvant et émouvant, voilé du songe éveillé des origines de l’humanité.
Et soudain, de ce silence ocre jaillit une explosion d’étoffes aux puissantes couleurs. Des silhouettes debout, habillées de ciel et de lin, enturbannées d’un bleu nomade apportent le mystère d’une présence inespérée. D’autres siègent dans les vapeurs froufroutantes d’un tulle incandescent, à l’abri des plis verts d’une oasis. Apparitions à pas feutrés, rêves, aboutissement. Les sentiers de Sophie Debazac mènent à ces génies du lieu, fragiles et dignes.
Façonner d’un coupon le désert pour installer la vie n’est pas le moindre des paradoxes. Sophie Debazac brode un monde de simplicité, canevas de sa rencontre avec les Touaregs. Elle ouvrage un Sahara généreux des traces des passages anciens où cordelettes de chameliers abandonnées, chiffons des robes de femmes oubliés, brins de laine envolés écrivent le temps. L’artiste ravaude à l’infini ces sobres témoignages, trésors inestimables glanés sur place, froisse et plisse la maille et la matière en des tapisseries chatoyantes. Elle ressuscite avec amour ces pièces précieuses en un camaïeu d’émotions, parcours initiatique radieux comme un mirage, celui de la poésie de cette vie rustique.