Christiane Courbon, critique d’art
Imprégnée des horizons sans limites, des étendues de dunes modelées par le vent, des lentes traversées du désert infini, des nuits sans toit, de la vie sans superflu, Sophie Debazac pose un acte en réaction à la cadence effrénée d’un monde qui s’essouffle et paradoxalement accélère.
C’est d’abord, dans une quête attentive, le repérage et le choix de l’étoffe, à la fois sélectifs et accidentels. C’est le cadeau du hasard, la séduction visuelle, la sensualité tactile, la légèreté ou le poids du tomber, la couleur ou le rythme d’un motif, le reflet d’un drapé, la profondeur de son creux, la vibration de la matière.
Alors intervient une réminiscence du passé. La femme coupe, coud, tisse, brode, borde, enveloppe, noue, caresse, lave, lange, pétrit, partage, sème, cultive, cueille, nourrit. La modernité n’efface pas ces gestes.
Plus proche bien souvent qu’une main d’homme de la terre et du tissu, de la chair et du fil, du pot et de son contenu, de la graine et du fruit, sans intermédiaire-outil, la main d’une femme, nue, accueille, guide et fait.
Les mains de Sophie Debazac se posent sur l’étoffe et façonnent. De ses doigts, naît le volume.
Aux fresques planes succèdent les compositions sculptées que point par point, méticuleusement, silencieusement, elle assemble, donnant vie aux ombres et lumières de paysages intérieurs, aux mémoires nomades, aux écritures du vent.
Et dans les plis et les courbes, les transparences et les opacités, les monts et les vallées, le geste féminin, encore et toujours, enfouit et dévoile, offre et transmet.